lundi 26 novembre 2012

Fables du paysage flamand

En complément de l'expo "Babel", le musée des Beaux-Arts de Lille a mis les petits plats dans les grands: une expo consacrée uniquement à la peinture fantastique du 16ème siècle. Où l'on apprend que ces tableaux remplis de petits bonshommes étranges, de monstres, de créatures imaginaires, côtoyant des humains vaquant à leurs occupations quotidiennes, ou des saints ermites en proie à toutes les tentations, ne sont pas seulement l'oeuvre de Jérôme Bosch, mais une mode qui a atteint tous les peintres de l'époque, grands noms, anonymes, élèves des maîtres, collaborateurs d'atelier. Mélange de croyances chrétiennes et de superstitions populaires, de légendes, de symboles, fantastique débridé dont le foisonnement nous étonne toujours; à chaque tableau, il faudrait une heure pour tout détailler... Ce qui est très difficile, vu la foule qui se presse sans trop de discipline. Un regret que les visites ne soient pas réglementées comme ça se fait de plus en plus - un nombre précis de visiteurs par tranche horaire, avec achat de billets coupe-file sur Internet. De grands noms: Brueghel le vieux, le jeune, Bosch, Patinir (ah ! les bleus de Patinir !), Bles... La chute d'Icare a quitté Bruxelles pour Lille, et le concert dans l'oeuf n'a pas beaucoup voyagé puisqu'il fait partie des collections du musée de Lille. Différentes versions de la tentation de saint Antoine sont exposées, et le pauvre est bien à plaindre - quoiqu'on le voie, imperturbablement plongé dans ses prières, au milieu des monstres. Fin du monde, vision de l'enfer, univers fantastique de peintres particulièrement imaginatifs, une seule adresse: Lille, musée des Beaux-Arts, jusqu'au 14 janvier 2013.
Photos interdites: les illustrations viennent de Google.


La piscine de Roubaix

Je ne sais qui a eu l'idée de transformer une piscine aux normes dépassées en musée, mais vraiment c'était un trait de génie. C'est aussi beau, toutes proportions gardées, que la gare d'Orsay devenue temple de l’impressionnisme.
La mise en scène est parfaite: utilisation du décor général, des perspectives, des cabines transformées en vitrines, et jet d'eau qui alimente le canal central, bordé de statues qui trouvent là un cadre qui les met en valeur. Les collections ne sont pas toutes de premier ordre (il y a quand même un bon fond de céramiques de Picasso), peintres locaux, artistes moins connus, mais tous de bonne facture, et qui profitent d'un environnement unique. Un lieu de promenade magique, et pour ceux qui, comme moi, ont bien connu ce type de piscine, une grande nostalgie.






L'épaisseur des rêves





Chagall, bien sûr, une belle expo à la piscine de Roubaix. Où l'on retrouve les thèmes favoris de l'artiste, les êtres moitié humains moitié animaux, les isbas de Vitebsk sa ville natale, les amoureux fusionnels, et tout ce petit monde en apesanteur...Et des couleurs, des couleurs, des couleurs. Mais pas seulement cela, auquel nous sommes si sensibles mais en terrain connu. Des décors de théâtre, des costumes de ballets, les maquettes du plafond de l'Opéra de Paris, de grands dessins en noir et blanc, de la céramique peinte, des plâtres (Chagall sculpteur, une découverte), et même des galets décorés... Un enchantement. Une collaboration avec les Américains de Dallas. Quelques tableaux célèbres prêtés par les grands musées. Jusqu'au 13 janvier 2013. A voir absolument pour se replonger dans" l'épaisseur des rêves".
J'adore le réverbère qui marche...

dimanche 18 novembre 2012

Cendrillon

Non je ne suis pas allée au théâtre avec mes petits-enfants pour une énième histoire de princesses ! Cette Cendrillon (Sandra, Cendrier, Cendrillon...) est un mythe revisité par un génial auteur-metteur en scène, Joël Pommerat, plutôt pour adultes, même s'il se trouve dans la salle des enfants qui peuvent appréhender la pièce au premier degré. Mais ce serait une erreur de s'arrêter là. Réflexion sur le deuil, le pouvoir des mots, la culpabilité, l'émancipation. Le tout servi par des acteurs exceptionnels (ils tiennent plusieurs rôles avec brio) et surtout d'exceptionnels jeux de lumière (Eric Soyer) qui suggèrent les décors  - une maison de verre, une illusion à laquelle on se laisse prendre complètement. Personnages au langage très contemporain,  stéréotypes revisités, voix off, chaude et un peu mystérieuse, à l'accent indéfinissable, musique style show TV, et fin prévisible réinterprétée. Quelques éléments pour vous donner envie d'y aller si ce spectacle passe près de chez vous.



vendredi 16 novembre 2012

Raphaël

Et j'ai terminé la journée comme je l'avais commencée, par la peinture italienne. Le Louvre propose une expo sur les dernières années du maître, et rassemble (ici aussi) pas mal de chefs d'oeuvre en provenance du monde entier.
En commençant par Bindo Altoviti, ce banquier florentin immortalisé par l'artiste (si le mec qui dirige mon agence bancaire ressemblait au beau Bindo, je n'utiliserais plus la banque en ligne), prêté par le National Gallery de Washington, où déjà je m'étais attardée plus que de raison.


Bien entendu toute une galerie de madones plus douces les unes que les autres, ou de grandes dames très classe, ou de sujets religieux traités avec délicatesse.



Raphaël se serait inspiré de Leonardo Da Vinci pour son Jean-Baptiste, et c'est l'occasion d'afficher les deux tableaux côte à côte: j'avoue que celui de Vinci éclipse l'autre, très largement ; à vous de voir...



A la fin de sa vie, paraît que Raphaël avait tellement de travail qu'il devait se faire aider; dans son équipe, un certain Giulio Romano, dont les oeuvres personnelles sont exposées à côté de celles du maître; bien malin celui qui, à l'instar de Jonathan Argyll *, peut discerner le travail de l'un et de l'autre: moi, en tout cas, je ne le peux pas. Romano a d'ailleurs terminé les tableaux inachevés de Raphaël, et à moins - encore une fois- d'être Jonathan Argyll, bien difficile d'y voir clair.
L'expo est complétée par une série de dessins de Romano, mais j'avoue qu'à ce stade-là de ma journée, je me suis affalée au bar (du Louvre, ne vous méprenez pas)
Pas sans avoir  été revoir la Joconde et la belle Ferronnière, histoire de remplir ma tête de belles images avant de reprendre le train.
* Si vous ne savez pas qui est Jonathan Argyll, lisez les polars de Iain Pears

Histoire du thé


Puisque j'étais au musée Guimet, j'ai craqué pour l'expo du moment: les routes du thé. Dès l'entrée, on est mis au parfum: dégustation gratuite du "thé Guimet", que vous pouvez acheter ensuite, offert dans de ravissantes boîtes; délicat, parfumé au bleuet (je n'invente rien, c'est écrit), doux au premier abord, mais... je ne l'ai pas digéré, je m'en tiendrai donc à mes habitudes anglaises (Fortnum & Mason, éventuellement Harrods).
J'ai appris que les différences de couleur des thés (rouge, vert, noir, blanc, jaune...) ne s'expliquent pas par une plante distincte, mais par un traitement différent des feuilles !! Vous le saviez ? Moi non. Il est toujours utile de voyager.
J'ai aussi appris les différentes façons de préparer le thé, notamment le thé au beurre des Tibétains, le samovar des Russes, la cérémonie complexe des Japonais etc etc., mais je crois que je m'en tiendrai à mon  infusette Lipton au citron pour le reste de ma vie.
Vous vous en doutez, Guimet avait sorti pour l'occasion sa plus belle vaisselle en provenance de Chine et du Japon. De vraies merveilles, des bols, des théières, des verseuses, des bouilloires...
Mais ce que je retiens et vous livre en photo, c'est la tonne de thé compressé de Ai Weiwei, qui symbolise le poids de la Chine dans la consommation et la production de ce breuvage. Et je soupçonne le rusé dissident d'avoir pensé à un autre poids.

La grande vague d'Hokusai



Tout le monde la connaît cette vague, mais qui peut se vanter de l'avoir admirée en vrai? Pour moi, en tout cas, c'était la première fois ! Cette estampe sublime fait partie de la collection prestigieuse du musée Guimet; très fragile, elle est rarement sortie des réserves... Et voilà que ce moment est venu: pendant 3 mois exactement, jusqu'au 10 décembre 2012, le musée Guimet sort de ses tiroirs 40 superbes estampes d'Hokusai et les expose exceptionnellement, dans la pénombre de la salle circulaire du deuxième étage.
Puisque j'étais à Paris, j'ai fait le détour...
Elle est belle, cette vague, mais j'aime tout autant celle-ci...



Canaletto-Guardi

Pour ceux qui n'auraient pas compris, hier j'étais à Paris, et ma première visite a été pour Canaletto-Guardi, avant... Hopper, que j'avais réservé pour l'heure du déjeuner, dans l'espoir (déçu) d'une moindre affluence.
Les deux peintres vénitiens faisaient l'affluence aussi, d'autant plus que le musée Jacquemart-André, où se vivait l'événement, est une maison de maître absolument ravissante, mais aux dimensions modestes par rapport au Grand Palais.
Aux 18ème et au 19ème, le nec plus ultra d'une bonne éducation passait par un tour en Europe, et celui qui avait la chance (ou les moyens) de parcourir l'Italie, réalisait alors le Grand Tour, ce qui lui conférait l'auréole d'une grande culture.

Canaletto, Guardi et d'autres, ont lancé la mode de la veduta, la "vue", c'est-à-dire le tableau souvenir des villes traversées, l'équivalent de nos...cartes postales. Canaletto et Guardi sont vénitiens, et nous leur devons de superbes vues de leur ville, précieux témoignages historiques et architecturaux, mais surtout d'une immense qualité esthétique.
A cela il faut ajouter la mode du capriccio, sorte de fantaisie où l'on représente la ville sous un aspect imaginaire, scènes mêlées de ruines antiques, prémonition du romantisme.


Comme pour l'expo Hopper, concentration de chefs d'oeuvre ! Bien mis en valeur par le décor de cette admirable maison de collectionneurs avisés qu'était le couple Jacquemart-André. J'aime Canaletto, mais j'aurais bien un faible pour Guardi, couleurs délicates, lumières plus impressionnistes. La visite terminée, il convient, pour rester dans l'ambiance, de faire un tour dans les salles consacrées à L'Italie, pour y admirer les tendres Botticelli et autres Mantegna des anciens propriétaires de l'hôtel particulier de boulevard Haussmann. Jusqu'au 14 janvier 2013.
Je laisse à votre perspicacité le soin d'attribuer les tableaux suivants à leurs auteurs




Rétrospective Hopper

Au Grand Palais, à Paris, 4000 visiteurs par jour paraît-il, un succès mérité... C'est que les oeuvres d'Edward Hopper sont très dispersées et que beaucoup se trouvent dans des collections particulières: pour un tel panorama du peintre, il faudrait parcourir les USA en long et en large, et s'arrêter dans des villes dont personne n'a entendu parler. Le musée qui en possède le plus est le Whithney museum of american art, à NY, et le visiter est très frustrant: l'affichage est partiel, en fonction de thèmes changeants, et vous pouvez très bien ne rien voir - ou presque - de Hopper, ce qui fut mon cas. Ce musée a largement contribué aux prêts pour l'expo, et c'est très bien.
L'expo de Paris est sérieuse et complète. La première partie nous met en appétit avec la projection d'un documentaire muet en noir et blanc de 1921, Manhatta, une sorte de description amoureuse de NY. Si vous n'aimez pas l'Amérique, passez votre chemin.
Puis plusieurs salles sont consacrées aux influences de Hopper, ses maîtres, les contemporains qu'il admirait (notamment français, il a fait plusieurs séjours à Paris) et ses oeuvres moins connues, les illustrations pour des revues (superbes, je ne pouvais m'en détacher), de rares gravures (des chefs d'oeuvre), et les tableaux de ses débuts, où l'on voit déjà ses thèmes favoris: les paysages avec maisons, les personnages solitaires, et sa mise en scène très particulière de champs comme au cinéma.
La deuxième partie est une avalanche de tous les grands tableaux !!! Ils y sont tous, ou presque. Même le MOMA de NY a prêté Gas, et le musée de Chicago Nighthawks. On va de l'un à l'autre comme groggy, on se dit qu'on rêve d'une telle opportunité. Pas un peintre n'a exprimé l'Amérique moderne comme lui.

Choix cornélien, que vous proposer en illustration ??? J'ai opté pour les deux tableaux que je cite plus haut, même s'ils sont super connus - mais tellement emblématiques du propos du peintre. Et aussi pour une maison, parce que ça aussi c'est l'Amérique, et pour cette gravure exceptionnelle, Night shadows, qui évoque le roman noir - ça aussi c'est l'Amérique - et pour une de mes toiles favorites, exécutée à la fin de sa vie: People in the sun.





lundi 12 novembre 2012

J'avais 20 ans en soixante

Ce n'est pas un aveu, ni une soudaine prise de conscience, c'est le titre d'une expo à la gare des Guillemins à Liège. Dès l'entrée, on subit un choc: voilà donc nos années de jeunesse, ce monde sans TV, ces frigos ronds, ces premières vraies lessiveuses, ces supermarchés pionniers ( Delhaize !!), ces talons aiguille ridicules, ces cheveux crêpés, ces garçons en cravate, et ces chansons stupides, Marc Aryan par exemple (Kathy, Kathy, filmé sur l'estacade de Nieuport), ces premiers James Bond un peu ringards, ces hippies fleuris, cette Brigitte Bardot qui lance des modes bien sages... Bon, on y voit aussi du sérieux, l'assassinat de Kennedy, le mur de Berlin, l'indépendance du Congo, le premier homme sur la lune, la première greffe de coeur, mai 68, le féminisme, les grèves de 60, la création de la frontière linguistique, le pop art, l'engouement pour Che Guevara - bon, j'en passe, et peut-être des plus importantes. C'est une expo passionnante, qui remue  des souvenirs complètement oubliés, ou mal rangés dans notre disque dur. Ce que j'ai préféré: les clips de chansons de l'époque - les yé-yé, les Beatles, les Rolling Stones, les Doors et les autres, Claude François à ses débuts, et là aussi j'en passe; et aussi les films populaires à succès, Louis de Funès, les westerns spaghetti, Belmondo; et les débuts de la TV en noir et blanc... Entre deux trains, une belle façon de  passer le temps.
D'autant plus, réflexion acide, qu'il m'a fallu deux heures et demie pour me rendre dans cette gare qui ressemble à un aéroport, et autant pour en revenir, dans des trains bondés et bruyants, plus de temps que pour aller à Paris.

vendredi 9 novembre 2012

Pulsions

Sous-titré: art et déraison
Une ambitieuse expo organisée par la province de Namur en trois lieux différents. J'ai choisi celui qui m'attire le plus: le musée Félicien Rops.
Après avoir flâné pour la énième fois dans les salles de la collection permanente, j'ai plongé dans l'univers de la psychanalyse naissante (nous sommes fin 19ème) et de la médecine de Charcot, qui je le rappelle, soignait les femmes internées à la Salpêtrière (cataloguées folles, à des degrés divers) et a défini les symptômes de l'hystérie féminine, que l'on peut résumer par des postures ou des cambrures contre nature, des crispations des membres, des grimaces de la face, entre autres. Et tout cela, popularisé par les photos ou les premiers films de Richer, a influencé l'art, la peinture, le théâtre, la danse.
Toujours d'après Charcot, l'hystérie masculine existe aussi (ouf), mais est beaucoup plus intériorisée et se manifeste par des attitudes de profonde mélancolie, de désespoir.
En illustration des oeuvres de Spilliaert (son célèbre et sinistre autoportrait), de Toulouse-Lautrec (des poses de Jane Avril, qui avait séjourné à la Salpêtrière, et dont les mouvements s'inspiraient de ce qu'elle y avait vu - de là à cataloguer le french cancan dans la même catégorie, il n'y a qu'un pas), de Egon Schiele (les postures impossibles de ses personnages, et leur impudicité), de Rops, d'Ensor, d'autres, moins connus (de moi), et surtout - c'est ce qui m'a le plus frappé, des photos d'époque de femmes internées, et le parallèle avec des danseuses célèbres de ce temps-là - voiles et mouvements saccadés, souvent impudiques, dont les chorégraphies sont reprises par des artistes contemporaines, et montrées en vidéos. Et aussi Sarah Bernhardt, dont le talent doit beaucoup à ses poses emphatiques, dans l'air du temps.
Il me reste à visiter le musée d'art ancien, où se tient un complément sur la folie au moyen âge, et la maison de la culture, qui se consacre aux artistes modernes sous influence (comprenez, drogue, alcool etc.)
A Namur, donc, où l'on n'a peur de rien.




jeudi 8 novembre 2012

Cheveux chéris


Ah! Les cheveux, ces ornements premiers, source de toutes les modes et de toutes les coquetteries, aussi bien masculines que féminines ! Mais aussi signe social, contestataire, religieux...Et lorsqu'on pénètre dans cette expo fabuleuse au musée du Quai Branly, on a le tournis devant toutes ces photos de vedettes, ces bustes d'empereurs romains rasés, ces perruques du temps de Molière, ces Mérovingiens chevelus, ces tresses africaines, ces tonsures, ces chignons de samouraïs - et je vous cite cela pêle-mêle, et pour sûr j'en oublie les trois quarts ! Et que dire de la deuxième partie, où l'on peut frémir devant ces têtes réduites de Jivaros, parfaitement peignées, ou se rappeler cette période trouble où l'on tondait les femmes, scènes immortalisées par Capa. Bref, impossible de réunir une liste exhaustive de tout ce qu'on peut voir dans cette expo, et surtout ressentir, et également réfléchir sur le rôle primordial de cette capillarité dont nous prenons tant de soin.
Je vous laisse méditer devant cette Marie-Madeleine vêtue de ses seuls cheveux...